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ORCHESTRE OREVE

Orchestre de vielles à roue et de musiques plurielles...
 

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Historique de la vielle

Histoire de la vielle

La vielle à roue, apparue autour de l’an mille en Occident, est le seul instrument de musique à clavier et bourdons, à la fois mélodique et rythmique, qui utilise une roue‐archet pour frotter ses cordes… Aux mains des ménestrels,  troubadours et  trouvères,  des mendiants ou des princes, elle arrive au XXIe siècle avec ce formidable héritage qui fascine l’homme moderne.

Depuis trois ou quatre décennies, nous assistons à un renouveau dans la pratique de l’instrument ; grâce à des viellistes inventifs travaillant en tandem avec des facteurs d’instruments également habiles, de nouvelles pratiques ont éclos sur des instruments renouvelés.

Parmi les expériences viellistiques récentes, celle de la pratique en ensemble mono‐instrumental reste encore peu explorée. C’est dans cette voie que veut s’inscrire l’OREVE.

 

L'instrument à roue :  Ressources musicales et histoire

par Paul Fustier

Ressources musicales

La famille des instruments à roue regroupe l’organistrum, la chifonie et la vielle à roue. Tous trois sont des instruments à cordes frottées par une roue qui remplit une fonction d’archet.  De la main droite, l’interprète tourne la roue  sur laquelle repose deux (ou trois) cordes dites chanterelles, parce qu’elles  sont responsables du chant. De la main gauche, l’interprète appuie sur les différentes touches d’un clavier, qui agissent sur de petits sillets   (appelés sautereaux) ; il en résulte le chant ou la mélodie, puisque chaque sautereau poussé par un doigt modifie la hauteur du son en changeant la longueur vibrante d’une corde mélodique lorsqu’il la touche.

S’inspirant du jeu de l’organistrum (voir ci-après) on pourra interpréter une mélodie en diaphonie. Cette forme musicale intermédiaire (entre monodie et polyphonie) est appelée au moyen âge organum parallèle ; elle a, comme caractéristique, de joindre à la vox principalis qui exprime le chant, une ou deux voix dite organales qui dupliquent ce chant mais en respectant un écart consonant toujours identique, c'est-à-dire en jouant parallèlement et simultanément le chant, par exemple à l'octave, à la quinte ou à la quarte qui constituent au Moyen Age des écarts le plus souvent reconnus comme consonants.

A côté des chanterelles, il existe des bourdons, cordes, qui, quand on les met en contact avec la roue, vont produire chacune un seul son en continu. A l’époque baroque, ces bourdons sont considérés comme formant une sorte de basse continue « obstinée », servant de soubassement modeste pour  des chanterelles qui ont à imposer la mélodie. Dans cette perspective les bourdons restent peu nombreux et surtout peu puissants. Mais on peut, à l’inverse, considérer que la mélodie  vient se loger à l’intérieur d’un espace sonore produit par des bourdons dont la puissance doit alors s’imposer ; la mélodie ne s’en détache pas, ils constituent, en quelque sorte, son milieu nourricier, le chant  se love à l’intérieur, et non au-dessus de l’ensemble des bourdons.

Mais une spécificité organologique bien étrange de l’instrument vielle à roue est l’existence d’un système particulier formé d’une corde-bourdon appelée corde-trompette et d’un petit chevalet mobile appelé chien ou trompillon ; on en trouve trace dès le quinzième siècle. Le musicien inscrit des à-coups à la manivelle qui sont transmis via la roue à la corde puis au chien produisant, c’est selon, un frémissement, un grésillement ou un tapement sur la table de résonance. Cette technique appelée coup de poignet peut être utilisée comme une percussion qui scande la mélodie ; dans les bals, elle marque  les pas en servant d’appui rythmique aux danseurs. A l’inverse, elle peut aussi,  avec un réglage fin, colorer d’une manière particulière certaines notes ou groupes de notes que l’instrumentiste veut mettre en valeur, permettre de changer l’articulation de certaines phrases musicales ou même d'installer une rythmique différente de celle de la mélodie.  

 

HistoriqueFig1 : organistrum  (moyen âge)

On s’accorde généralement pour appeler Organistum le plus ancien des instruments à roue ; il apparaît, au XIIème siècle sculpté sur le porche de nombreuses églises présentes sur les chemins conduisant à Saint Jacques de Compostelle. On y voit deux personnages (parfois un seul) dont l’un tourne une roue pendant que l’autre actionne des « tangentes »  permettant de raccourcir la longueur vibrante des cordes. Généralement l’instrument ressemble plus ou moins à un huit couché  (qui constitue la caisse de résonance et qui reçoit la roue)  prolongé par un « plumier » à l’intérieur duquel se trouvent les cordes vibrantes . (fig. 1)

Le contexte iconographique donne à entendre que le répertoire de l’instrument est religieux. Sa longueur indique qu’il joue dans un registre grave et le peu de souplesse qui caractérise  le maniement des « tangentes » permet de penser qu’il ne peut jouer que lentement et selon un ambitus restreint. Dans une polyphonie, il  est probablement voué à interpréter la teneur  (mélodie issue de la liturgie et jouée très lentement).

 L’observation des représentations de l’intérieur du « plumier » montre que deux (ou trois) cordes devaient jouer la mélodie de façon conjointe, mais à des hauteurs différentes. Il s’agit du jeu « diaphonique », appelé organum parallèle au Moyen Age ; nous en avons parlé plus haut.

 

Fig2 : chifonie (moyen âge)A l’organistrum succède l’instrument monoplace généralement appelé chifonie et qui est formé d’une caisse de résonance rectangulaire contenant la roue,  les cordes bourdons et les chanterelles. (fig.2) Il est rangé dans la catégorie des « bas-instruments » peu sonores. qui se jouent dans les salles de château, dans les jardins ou vergers. Le répertoire de la chifonie est probablement très varié ; comme les autres instruments de musique, elle est jouée par des professionnels (jongleurs et ménestrels) pour un répertoire de chants d’amour ou écrits à la gloire d’un personnage important ;  mais la chifonie est probablement jouée aussi par des « goliards », moines marginaux errant de tripots en tripots en interprétant des chansons satyriques, à boire  ou paillardes (voir par exemple les Carmina Burana).Fig3 - vielle à roue (moyen âge)

Un peu plus tardivement dans le Moyen Age, et beaucoup moins fréquemment  répertoriés, existent   des instruments dont la forme, bien que non stabilisée,  est proche  de celle  des vielles à roue  plus récentes. (fig.3) On retrouve des représentations de ces vielles en milieu religieux  (vitraux ou sculptures d’églises gothiques) ou laïc (enluminures dans les manuscrits).

 

A partir de la fin du Moyen Age, dans le prolongement de celui-ci et à l’exception d’une période particulière pendant l’époque baroque, la vielle sera spécialisée dans deux domaines. Elle sera un instrument de gueux et de mendiant, la lira mendicorum, moulinant au coin des rues des airs susceptibles d’attirer le promeneur et de provoquer sa pitié. Elle sera aussi, dans un genre très différent et même opposé, un instrument utilisé dans les fêtes villageoises pour égayer l’atmosphère et pour faire danser les participants.

Fig 4 : vielle trilobée (XVII°siècle) Georges De La TourEn ce qui concerne l’organologie, la facture de la vielle se stabilise difficilement. Il faut attendre le XVIIème siècle (ou peut-être la fin du XVIème) pour que l’iconographie nous propose, fréquemment et dans les scènes de mendicité, un instrument particulier de forme bilobée ou trilobée souvent joué par un vieillard aveugle. Les gueux peints par Georges de La Tour ont rendu célèbres ces vielles.(fig.4)  Un deuxième type d’instrument est dit « trapézoidal », il est généralement cornu et dispose de deux colonnettes joignant la tête aux éclisses. Il apparaît, plus récemment, à la fin du XVIIème siècle, et doit sa notoriété aux tableaux d’Antoine Watteau qui représentent des fêtes villageoises se déroulant généralement en présence d’aristocrates spectateurs.Fig5 : vielle trapézoïdale  (XVII°) (fig.5) Dans une ambiance de fête paysanne, le joueur de vielle qui en est « l’animateur » n’est pas un mendiant, il porte un costume proche de celui des ménétriers ce qui évoque une certaine professionnalité. Il est représenté le plus souvent actionnant  soit une vielle bi ou trilobée soit une vielle trapézoïdale. En revanche, la  vielle qu’un aristocrate peut tenir en mains  est toujours, quant à elle, une vielle trapézoïdale ; mais, à cette époque, c’est à dire avant 1725, on peut considérer qu’elle est, pour le noble, moins un instrument de musique qu’une parure, un ornement  ou une amorce de déguisement.

 

Vient ensuite ce que l’on a appelé « l’âge d’or de la vielle à roue » ; c’est une période faste mais courte puisqu’elle dure à peu près quarante ans, entre 1725 et 1765. La vielle séduit les aristocrates parisiens et jusqu’a Marie Leszczynsca, reine de France, qui, selon le duc de Luynes, pratiquait la vielle tous les jours de la semaine (sauf le vendredi !). L’instrument populaire est transformé pour devenir « digne » de l’aristocratie ; un luthier nommé Bâton utilise, en 1716 des caisses de guitare (fig.6)

Fig 6 : vielle  en guitare (XVIII°)et en 1720 des caisses de luth, (fig.7) pour fabriquer des vielles ; la forme de l’instrument s’en trouvera stabilisée et jusqu’à la dernière partie du XXème siècle on ne fabriquera que des vielles dont la caisse s’inspirera soit de la guitare soit du luth. Reste à comprendre pourquoi les aristocrates se passionnent tant pour la vielle ? C’est parce qu’elle est devenue objet symbolique ; certains l’appelleront lyre d’Apollon et elle sera associée au berger idéalisé du mythe arcadien, vivant sans lois ni contraintes en se conformant sans limite à ses  désirs, dans cette terre paradisiaque inventée par Virgile. C’est à cette figure d’un villageois mythique que s’identifient les « personnes de qualité » entichées de vielle. Correspondant à l’engouement pour l’instrument, de nombreuses œuvres, plus de deux cents à Paris,  sont alors publiées, le plus souvent pour vielle et musette (de cour) Fig 7 : vielle  en luth (XVIII°); certaines sont des suites de danses souvent proches d’une veine populaire, d’autres sont des concertos et des sonates qui relèvent plus fréquemment de la musique savante et du "goût italien".

 

Après cet âge d’or, la vielle redevient populaire ;   en milieu urbain elle demeure un « outil » pour la mendicité, en milieu rural  elle s’imposera surtout comme  instrument pour faire danser ; (fig.8) dans certaines régions de France (Auvergne, Berry,LimousinFig8 : vielle paysanne (XIX°), Gascogne...) elle jouira alors d’une grande notoriété.  Dans la première partie du XXème siècle elle laissera progressivement sa place à d’autres instruments plus « modernes », en tout cas plus puissants (accordéon, clarinette, violon…) ; en effet si une qualité essentielle de la vielle «  à danser » est de savoir marquer clairement et puissamment le rythme grâce au coup de poignet, ce jeu en percussion étouffe la sonorité des chanterelles que  l’on peut même ne plus pouvoir entendre que difficilement.

vielle Denis Siorat - 2006Un renouveau de l’instrument prendra place dans les années soixante-dix, renouveau qui s’appuiera notamment sur les idées développées en mai 1968 concernant le retour à la nature et à une vie simple non polluée par la société industrielle. Depuis lors, l’instrument est en constante évolution : transformation de la lutherie, (fig.vielles contemporaines) reprise d’un répertoire modal médiéval, invention ou adaptation de nouveaux répertoires issus de la musique contemporaine…Naissent des ensembles de vielles  à roue qui créent ou ont créé des univers sonores improbables : le Viellistic orchestra, et maintenant Orève.

Et puis, last but not least, viennent au monde les vielles électro-acoustiques…mais c’est une autre histoire.vielle Philippe Mousnier

 Sources et bibliographie

 http://paul.fustier.pagesperso-orange.fr/   

 

Brocker Marianne,1977

Die drehleier, 2 vol., Bonn, Bad Godesberg.

Bernad Marc, 2009,

Précis de coups de poignet-ée de base pour vielle à roue [Marc Bernad (04 75 78 41 31) ou marc.bernad[at]wanadoo.fr]

 

Fustier Paul, 2002

 Pratique de la vielle à roue. Epoque baroque P. Fustier, 9 rue Clemenceau, 69500 Bron (0472363210 ou vielle.baroque@orange.fr).

Fustier Paul, 2006

La vielle à roue dans la musique française. Instrument de musique, objet mythique, objet fantasmé, Paris, L’Harmattan, 2006.

Green Robert A, 1995

Hurdy-gurdy Eighteenth century, Bloomington and indianapolis, Indiana University Press, USA.

Fustier Paul, 2010

Pièces transcrites pour la vielle à l’époque baroque P. Fustier, 9 rue Clemenceau, 69500 Bron (0472363210 ou vielle.baroque@orange.fr).

Hollinger Roland, 1982

Les musiques à bourdons :vielles à roue et cornemuses, Paris, La flûte de Pan.

Palmer Suzann et Palmer Samuel, 1980

The Hurdy-gurdy, Londres, New Abbot.

Rault Christian, 1985

L'Organistrum. Les origines de la vielle à roue. Paris, Aux amateurs de livres.

 

Dernière modification : 05 janvier 2013